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Il est des moments dans la vie ou l'on n'échangerait ça place avec personne, c'en est un ce Dimanche 20 Mai un peu avant 7h00, je suis sur la ligne de départ de la Transvésubienne et j'ai du mal à réaliser...Un hélico nous survole en attendant le coup de fusil qui liberera les jambes et les esprits, l'ambiance est détendue mais avec un arriere gout d'inquietude, de doutes, un peu comme un avant match dans un vestiaire, ces instants ou les regards prennent la parole... Sur les 400 partants tout le monde sait qu'une grosse moitiée ne verra pas l'arrivée mais chacun est là pour finir, va falloir etre guerrier !
PAN !!! Ca y est c'est parti façon mégavalanche sur une portion descendante rapide qui ne dure pas longtemps, on rentre dans le vif du sujet en attaquant la premiere montée, sur piste en premier ce qui permet de prendre un rythme, le mien sera bien cool, trop peut etre car plus haut l'ascension se poursuit sur un single et ça bouchonne un peu. Tant pis, je suis pas là pour faire un chrono et ça donne donc l'occasion d'admirer le paysage qui s'offre à mes yeux, puis on rentre dans une foret de sapin dont on sort finalement par un petit portage. La vue se redégage et on attaque un sentier à flanc de montagne légèrement descendant, splendide, faut quand meme faire gaffe ou on pose ses pneus par endroits, puis retour en foret et la pente s'accentue, on remonte quelques coups de culs avant de plonger vers la vallée par un single ou s'enchainent épingles,marches,passages trialisants,pentes raides...Ma transmission commence à me poser probleme, je n'arrete pas de dérailler dans les relances, je m'arrete plusieurs fois et je perds un temps fou. Aprés, coincé dans le flot qui reste encore assez compact ce n'est pas évident de doubler... Fin de descente et premier ravito, j'ai un gros 1/4 d'heure de retard sur le timing prévu pour rentrer dans les temps, d'entrée ça part mal et ça m'énerve un peu, donc l'arret sera bref.
Vient la grosse difficulté, une montée de 1100m de d+ ou on alterne en permanence poussage,pédalage,portage. J'essaye de trouver un rythme qui me premette de rattrapper un peu de temps sans pour autant me griller car l'arrivée est encore à des années lumières... C'est dur mais tout le monde se motive et s'encourage, puis une petite descente technique et une remontée sur piste nous dépose au sommet ou nous attend le second ravito. J'ai gagné un peu de temps mais je suis toujours en retard sur mon timing, tant pis je m'arrete quand meme une dizaine de minutes pour bien m'alimenter, et ce temps ne sera en fait pas perdu...
Ca redémarre par une descente sur un sentier magique, le début est trés cassant et ça tabasse fort, puis des épingles bien tanquées viennent relever le tout, je me sens bien, ça passe et je suis en confiance, je m'éclate ! Ca se termine en apothéose avec un passage dans des pentes calcaires ou le sentier virevolte dans tous les sens, excellent ! Aprés c'est un enchainement de portages et de descentes techniques façon montagnes russes puis on débouche sur une route qui monte tranquillement jusqu'à un col ou se trouve le troisième ravito, je suis juste dans les temps, je recommence à y croire car je me sens bien...
On rattaque par une montée sur piste avant d'entamer de nouvelles montagnes russes, ça descend raide droit dans la pente et pour remonter c'est pareil, le portage est à l'honneur. Le tout entre coupé de passages à flancs à couper le souffle, qui commence à etre court d'ailleurs... Les pentes se font de plus en plus raides et le terrain de plus en plus fuyant, là je tente pas, meme à pied ça glisse...J'arrive quand meme à passer la derniere rampe en me faisant labourer l'arriere-train par mon pneu que je trouve pour l'occasion bien cramponné... Pour s'extraire de ce bas-fond on a droit à un portage tout aussi raide que les descentes, au milieu de la végétation histoire de compliquer, quoique c'est parfois utile de pouvoir s'accrocher aux branches. On débouche sur une route qui nous emmene vers une descente qui s'achevera au pied de la derniere grosse difficulté, tout va bien...
Et non, ça aurait été trop facile...ma chaine me lache...comme la veille lors du prologue et mon quota réparation a donc déjà été atteint, c'est trop con, je suis si prés du but mais pourtant si loin...J'enrage, je peste, je hurle, tout ça pour ça...pour finir comme un gland au bord du chemin ma chaine en guise de collier. Puis je me dis qu'abandonner n'est pas possible, pas sur cette épreuve, je décide alors d'essayer de rallier la derniere porte horaire en courant...folle utopie. Plus loin je trouve un gars qui vient de bacher, il démonte ça chaine et me la donne afin que je puisse avoir une chance de finir...MERCI MERCI MERCI !!! J'ai perdu beaucoup de temps mais tout reste possible, je me lance dans la descente à tombeaux ouverts, je prends des risques et frole plusieurs fois la correctionnelle. Arrivé en bas il est 16h10 et il reste le dernier col à gravir, c'est à son sommet que ce trouve la derniere porte horaire (17h), on m'annonce 1h à 1H15 mini de montée avec beaucoup de portage, ça semble compromis... Mais renoncer sans essayer serait stupide, je décide de tenter le coup. Soit je me crame mais j'arrive à passer et j'aurais tout le temps de finir soit j'y arrive pas mais au moins j'aurais tout essayé et moins de regrets. Le vélo sur le dos je marche aussi vite que je peux et je ne pense qu'à une chose: sommet/17h00, je repense à tout ce que j'ai fait pour etre là aujourd'hui, c'est le moment de se vider. La montée est jalonnée de types en mauvais états, mais tous se battent contre l'horloge et contre leur corps qui crie stop, je double un gars avec la cheville bandée et sanguinolante, il boite, il grimace à chaque pas...mais il avance...putain il essaye...nos regards se croisent,pas besoin de se parler. Je retrouve des types avec qui j'étais avant que je casse la chaine,ça me booste, je continue, le col est à vue maintenant et il semble bien loin... Pourtant je recommence à y croire sérieusement, plus je m'approche et plus j'y crois, je remonte sur le vélo vers la fin, il est là tout prés...On est un petit groupe à s'encourager, ça y est on arrive...il est 16h55...OUF !!!
Je viens de passer la porte qui va m'envoyer droit vers le paradis, meme s'il reste une quinzaine de bornes la course est finie pour moi, je sais que je serais à l'arrivée quoiqu'il arrive. Je fais une bonne pause avant de repartir doucement vers le terminus, je profite, je savoure... Derniers singles, toujours des portages, ça monte ça descend, ça tabasse encore un peu. Une série d'épingles d'anthologie me dépose sur une route, un poil de bitume, une derniere cote et un ultime single me transporte vers l'arrivée, ça y est elle est là, je suis sur un petit nuage, je viens de réaliser un reve et je bois ce bonheur jusqu'à l'ivresse.
Une fois la ligne franchie, c'est étrange, je suis heureux mais triste en meme temps, car le plus beau dans un reve c'est tout ce qu'on a fait avant, tout ce qu'on a fait pour le rendre possible, tous ces moments de doutes...Et une fois réalisé le reve disparait, il rejoint la réalité et devient un souvenir mais ce souvenir là n'a pas finit de me faire réver...la boucle est bouclée.
Il m'aura fallu 11h45 pour venir à bout des 92km avec 3600m de D+ et 4500de D-, la difficulté de cette épreuve n'a d'égal que sa beauté, c'est ce qui la rend unique et pourquoi chacun met tant de volonté à la terminer, nous étions presque 400 au départ et seulement 180 à franchir la ligne d'arrivée...
Date de création : 26/05/2007 * 11:13
Dernière modification : 26/05/2007 * 11:13
Catégorie : Parcours
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